Le Tribunal fédéral n’est pas au-dessus des lois de la physique

Dans son arrêt concernant le parc éolien de Sainte-Croix (VD), le Tribunal fédéral juge que les installations éoliennes peuvent produire de l’électricité de manière flexible et en fonction des besoins du marché. L’énergie éolienne revêtirait un intérêt national devant lequel doivent s’effacer la conservation de la nature et la protection du paysage. C’est sur cette base que le Tribunal fédéral a rejeté les recours contre le parc éolien. Cette affirmation est toutefois erronée : en effet, les éoliennes ne produisent de l’électricité que lorsque le vent souffle et sont ainsi dénuées de toute flexibilité.

(c) Tribunal fédéral

Dans son arrêt publié le 21 avril, le Tribunal fédéral écrit mot pour mot que « Les installations de production d’énergie éolienne offrent la flexibilité de production dans le temps et en fonction des besoins du marché (art. 15 al. 5 in fine LEne) et contribuent de manière significative à la sécurité de l’approvisionnement, en particulier en hiver où la consommation est la plus élevée, en permettant de charger ou de décharger le réseau selon les besoins ».

Non seulement la citation de la loi sur l’énergie est erronée (l’article 15 ne traite pas de ce sujet et il ne compte pas 5 alinéas) mais, plus préoccupant encore, l’affirmation du Tribunal fédéral contredit toutes les lois de la physique : en effet, les éoliennes ne produisent de l’électricité que lorsque le vent souffle, contrairement aux centrales à accumulation par pompage qui peuvent stocker et produire de l’électricité sur simple pression d’un bouton. Les sources citées par la Haute cour ne permettent pas d’étayer ses affirmations. Affirmer par ailleurs, comme le fait le TF, que les éoliennes permettent de « décharger le réseau » ne résiste pas à l’analyse.

En raison de sa production d’électricité intermittente, l’énergie éolienne contribue très peu à la sécurité de l’approvisionnement. Une capacité d’appoint doit être disponible 100% à tout moment pour suppléer aux absences de vent. Même d’octobre à mars, lorsque l’énergie éolienne produit 58 % de la production de l’année, on observe des phases de plusieurs jours sans vent.

C’est donc sur la base d’une affirmation contredite par la réalité que le Tribunal fédéral a conclu que le projet de parc éolien de Sainte-Croix revêtait un intérêt national derrière lequel deux autres intérêts pourtant eux aussi de portée nationale – la conservation de la nature et la protection du paysage – doivent s’effacer. La fédération Paysage Libre Suisse insistera sur ce point dans les autres procédures en cours devant le TF.

Si de petits projets tels que le parc éolien de Sainte-Croix, qui représente moins d’un demi pour mille (0.03%) de la consommation suisse, venaient à être considérés comme étant d’intérêt national, la protection du paysage serait gravement affaiblie et la porte largement ouverte à de telles installations énergétiques, même lorsqu’une pondération globale des intérêts s’y opposerait. En d’autres termes, la balance des intérêts ne se ferait plus équitablement puisque les installations éoliennes seraient systématiquement privilégiées aux dépens des autres intérêts nationaux.

Paysage Libre Suisse regrette cette attitude indifférenciée de la plus haute juridiction suisse, qui ne correspond ni aux lois de la physique ni à la tradition de la Suisse en tant que pionnière en matière de protection de la nature et du paysage.

Compte tenu du fait que la Suisse est déjà très densément urbanisée, le développement de l’énergie solaire (thermique et photovoltaïque) s’impose. Cette dernière présente un potentiel d’électricité hivernale 7 fois supérieur à celui de l’énergie éolienne, peut être stockée et approvisionne notre pays en chaleur et en électricité en toute sécurité. Le tournant énergétique ne doit pas détruire ce que la loi protège : la biodiversité et le paysage.

Vers l’arrêt du TF: lien.
Vers le communiqué du TF: lien.